
Le 19 mai dernier, nous avons eu le privilège d’accueillir deux intervenants pour un webinaire autour d’un enjeu majeur : la fraude documentaire dans le secteur public. Animé par Marie Lottier, Associée et Directrice Marketing chez Finovox, cet échange a permis à Julien Lasalle, Directeur adjoint des études et surveillance des paiements à la Banque de France, et à Marc Scholler, Directeur délégué de l’Assurance Maladie, en charge des Finances, de la Lutte contre les Fraudes et de l’Audit, d’évoquer les nouveaux enjeux liés à la fraude. Retour sur cette discussion !
Dans un contexte de dématérialisation des services, où la rapidité des échanges semble parfois primer sur la vérification des informations, les faux documents prolifèrent. Bulletins de salaire falsifiés, fausses ordonnances, factures modifiées, faux diplômes… les modes opératoires se diversifient. L'enjeu est colossal, tant en matière de coûts financiers que de confiance institutionnelle.
À la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM), sur les 250 milliards d’euros de dépenses de santé par an, 627 millions d’euros de fraudes ont été détectés en 2023.
Si le chiffre peut paraître marginal, il est en réalité significatif. La fraude est de mieux en mieux identifiée, mais elle évolue sans cesse.
“Ce ne sont pas les assurés les principaux fraudeurs, mais une minorité de professionnels de santé. Environ 70 % des fraudes détectées concernent ces derniers”, a précisé Marc Scholler.
Les modes opératoires sont variés : actes fictifs, obtention de droits sociaux à partir de faux documents ou encore prescriptions abusives. En prenant l’exemple de la fraude dans les audioprothèses avec des faux diplômes, le préjudice s’élève à 115 millions d’euros.
Du côté de la Banque de France, les chiffres sont tout aussi préoccupants.
Sur 35 000 milliards d’euros de flux de paiements annuels, 1,2 milliard d’euros sont liés à la fraude. Si ce taux est faible en proportion, les impacts sont réels : modification d’IBAN sur des factures, falsification de chèques, ou manipulation de documents lors de la souscription à des services.
« La fraude documentaire constitue souvent la porte d’entrée d’une fraude aux moyens de paiement. Elle permet d’altérer la réalité pour rediriger les fonds vers les fraudeurs », a expliqué Julien Lasalle.
La pandémie de Covid-19 a marqué un tournant. Avec la généralisation du télétravail et la dématérialisation des démarches, les dispositifs de contrôle ont été bousculés. Des failles sont apparues, rapidement exploitées par les fraudeurs.
La CNAM évoque une transformation radicale : la société est passée d’une fraude artisanale à une fraude industrialisée. Des kits de fraude circulent, et des mules sont recrutées pour servir d’intermédiaires.
La Banque de France a quant à elle noté une explosion des attaques de phishing et smishing, profitant de la digitalisation des canaux de communication.
Les fraudeurs usurpent des identités, modifient des documents numériques, et piègent leurs victimes avec des interfaces quasi indétectables.
La coordination entre institutions est primordiale.
La Banque de France mise sur plusieurs dispositifs pour sécuriser les échanges :
De son côté, Marc Scholler explique que la CNAM doit traiter 1,5 milliard de flux de facturation chaque année.
Chaque acte est potentiellement accompagné de pièces justificatives (prescriptions, ordonnances, etc.), qu’elles soient papier ou électroniques.
L’institution a alors mis en place trois niveaux de contrôle :
1- A priori : via un système d’information qui filtre les documents afin de vérifier la conformité des pièces
2- A posteriori : avec une analyse des anomalies statistiques via des critères de ciblages des atypies.
3- Contrôles numériques avancés : ils sont encore en développement et ne sont pas totalement intégrés aux processus.
Les montants directs sont massifs, mais les coûts indirects sont encore plus préoccupants.
La CNAM a mobilisé 1 600 collaborateurs pour renforcer ses dispositifs (juristes, data scientists, médecins…).
“La fraude dans un système public universel est intolérable. Elle crée une injustice : ceux qui fraudent bénéficient indûment, tandis que les honnêtes citoyens en pâtissent”, a insisté Marc Scholler.
La CNAM a récemment procédé au déconventionnement de plusieurs centres de santé après avoir mis en évidence des pratiques frauduleuses répétées. Ces structures détournaient le système en facturant des actes fictifs au détriment des finances publiques et de la confiance des assurés.
Pour les banques, la complexité est d’autant plus grande que les documents falsifiés sont souvent entre les mains des clients. Il faut donc renforcer la vigilance des agents bancaires, tout en investissant dans des technologies de détection automatisée d’intelligence artificielle.
Marie Lottier Associée et Directrice Marketing chez Finovox a posé une question centrale : pourquoi la fraude se développe-t-elle autant ?
La réponse semble claire et unanime : la facilité d’accès et le sentiment d’impunité.
“Pour certains, falsifier un document est devenu aussi simple que commander une pizza” a ironisé Marc Scholler, Directeur délégué de l’Assurance Maladie
Dans une société de l’instantanéité, où tout doit aller vite, les contrôles sont souvent vécus comme une gêne. Pourtant, ils sont essentiels !
Pour retrouver l’épisode de podcast de Marc Scholler : Marc Scholler, Directeur délégué de l’Assurance Maladie en charge des Finances, de la lutte contre les Fraudes & de l'Audit
Les deux institutions convergent sur plusieurs points.
Pour Marc Scholler de la CNAM, il faut :
Pour Julien Lasalle de la Banque de France, il faut :
“Il ne faut pas négliger les fraudes aux petits montants. Elles sont massives, très discrètes, et souvent invisibles aux yeux du grand public. Pourtant, leur impact est réel”, a souligné Julien Lasalle.
Pour retrouver l’épisode de podcast de Julien Lasalle : Julien Lasalle, directeur adjoint des études et surveillance des paiements à la Banque de France
Pour Julien Lasalle, l’avenir passe par une concertation étroite entre les acteurs de l’écosystème. Des institutions publiques aux acteurs privés en passant par les forces de l’ordre, tous doivent coopérer. La lutte contre la cybercriminalité est un enjeu collectif.
Marc Scholler plaide pour une capacité de détection plus rapide, à travers des outils capables d’identifier instantanément une falsification.
Selon Marie Lottier “La lutte contre la fraude documentaire est un véritable jeu du chat et de la souris. Il faut toujours rester un coup d’avance.”
Chez Finovox, nous sommes fiers d’avoir permis cet échange et de contribuer à la sensibilisation sur les risques liés à la fraude documentaire. Intéressé par ce sujet ? Nous organisons régulièrement des matinées anti-fraude dans des lieux chargés d’histoire, pour allier convivialité, culture et partage d’expertise autour de ce sujet crucial.
Si vous souhaitez voir à quoi ressemblait notre dernière matinée, c’est par ici : Matinée anti-fraude : un événement clé pour prévenir et contrer les risques de fraude
Pour aller plus loin, découvrez notre solution d’analyse documentaire automatisée, et restons en veille ensemble face à un phénomène en perpétuelle évolution.